EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires)
L’EMDR est une thérapie brève. Découverte aux Etats-Unis en 1987 par Francine Shapiro, la technique de l’EMDR s’est surtout fait connaître, au départ, pour le traitement des personnes ayant subi de très graves traumatismes et souffrant du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), appelé aussi état de stress post-traumatique (ESPT).
L’acronyme EMDR provient de l’expression Eye Movement Desensitization and Reprocessing, que l’on pourrait traduire littéralement par « désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires ». Toutefois, l’appellation française officielle est intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires – bien que l’on s’en tienne généralement à EMDR.
Grâce au processus neurologique mis en marche, cette approche semble stimuler le cerveau pour qu’il « métabolise » ou « digère » les expériences et les souvenirs traumatisants du passé. À la suite d’un protocole EMDR, les souvenirs traumatisants perdent leur charge affective négative, ce qui apaise ou met fin à la souffrance et aux réactions néfastes (crises de panique, peurs incontrôlées, anxiété, compensations de toutes sortes, etc.).
Rapidement, les applications de l’EMDR se sont étendues à différents problèmes psychiques, comme les phobies et la dépression.
Toutefois, l’EMDR fonctionnerait mieux avec des patients souffrant d’un traumatisme bien cerné ou d’une phobie bien précise, plutôt que d’un trouble plus diffus1. « Il se peut que l’EMDR soit plus efficace dans le traitement des troubles liés au stress qui suit une expérience traumatique (par exemple, la phobie des chiens après une morsure), et moins efficace pour ceux dont le point de départ est inconnu (par exemple, phobie des serpents depuis la naissance) », affirme, à ce propos, le Dr David Servan-Schreiber2.
Une technique apparemment très simple… et très efficace
L’EMDR est une thérapie brève … qui suit une procédure rigoureuse. Sa caractéristique est l’utilisation de la stimulation double (dual attention stimulation). Alors, que le patient se connecte à ses émotions stressantes, le thérapeute accompagne avec une stimulation en déplaçant rapidement ses doigts devant le visage de la personne. Cette dernière doit alors les suivre des yeux tout en gardant la tête fixe. Le mouvement rythmique des deux yeux serait équivalent à celui qui a lieu spontanément pendant les rêves (la phase de sommeil dite rapid eye movement ou REM).
Cette stimulation se répercuterait de manière complexe dans le cerveau, plus précisément dans sa partie la plus ancienne (dans l’évolution humaine) qu’on appelle cerveau limbique ou cerveau émotionnel.
Grâce à ce procédé, les images, les perceptions et les souvenirs qui étaient codés négativement dans le cerveau émotionnel sont littéralement « réencodés » et perdent de leur intensité. Comme si, graduellement, les éléments néfastes étaient « délestés » du système pour être remplacés par des éléments bienveillants. Autrement dit, c’est comme si l’on procédait au démontage d’une structure cognitive rigide (les souvenirs et les affects qui leur sont rattachés), pour remonter les éléments dans une association souple et bienveillante.
Normalement, ce processus se produit de façon naturelle et spontanée, ce qui fait que la plupart de nos traumatismes nous laissent peu de traces fragilisantes. Mais, à cause de toutes sortes de circonstances, comme la force du traumatisme, une sensibilité particulière, une période de vulnérabilité physique ou émotionnelle, la « fois de trop » etc., il arrive que ce processus de « digestion » du traumatisme ne fonctionne pas.
Avec l’accompagnement du thérapeute, l’EMDR permet de reproduire ce processus naturel et de sortir d’un fonctionnement « en boucle » autour du traumatisme.
« Si un événement douloureux a été mal “digéré” parce que trop violent, explique le psychiatre David Servan-Schreiber, les images, les sons et les sensations liés à l’événement sont stockés dans le cerveau, prêts à se réactiver au moindre rappel du traumatisme. Le mouvement oculaire débloque l’information traumatique et réactive le système naturel de guérison du cerveau pour qu’il complète le travail. »
Plus globalement, l’EMDR vise à engendrer des sentiments positifs, à faciliter la prise de conscience et, c’est à souligner, de modifier les croyances et les comportements négatifs3-12.
Selon les auteurs d’une étude explorant la biologie des traumatismes4, l’originalité de l’EMDR reposerait sur l’association efficace d’une approche centrée sur le corps (mode de réponse aux stimuli et aux sensations) et d’un traitement cognitivo-behavioral (centré sur les pensées et les comportements).
Une validation scientifique de la technique
Dès le début des années 2000, trois essais cliniques menés auprès de population d’enfants et d’adultes sont venus renforcer la validation scientifique de l’EMDR. Dans l’un d’eux14, l’efficacité de l’EMDR a été comparée à un antidépresseur et à une pilule placebo chez 88 patients souffrant d’un choc post-traumatique remontant à l’enfance ou à l’âge adulte. Les séances d’EMDR pendant huit semaines se sont révélées plus efficaces que le placebo et que l’antidépresseur. Contrairement à l’antidépresseur, après six mois, l’effet de l’EMDR s’est maintenu, 57 % des patients n’ayant plus de symptômes.
En France, l’EMDR est reconnue par la Haute Autorité de Santé depuis 2007 et par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.